« Le Raphaël du piano », « le poète du son », « le maître de la respiration légère », c’est ainsi qu’a été qualifié le professeur Naum Starkmann, musicien remarquable et « artiste émérite de Russie ».
Ce pianiste bénéficie d’une réputation méritée de poète lyrique raffiné, au son expressif et mélodieux, d’artiste accompli capable d’exprimer précisément et clairement l’architecture d’une œuvre musicale et d’en construire la ligne dramaturgique avec noblesse et logique. Son jeu vif et plein d’émotion fascine ceux qui l’écoutent par la vivacité naturelle de son langage musical, la richesse de ses couleurs et la finesse de son inspiration.
Naum Starkmann est né à Jitomir le 28 septembre 1927. A l’âge de 11 ans, alors qu’il était élève de l’école musicale Lyssenko à Kiev, il a joué avec l’orchestre de la radio, et le 20 avril 1940, a donné son premier récital en deux parties dans la Grande Salle du Conservatoire. Il a ensuite suivi au Conservatoire de Moscou les cours du grand pianiste et professeur Konstantin Igoumnov, qui a formé une pléiade de grands musiciens, parmi lesquels Y.Flier, L.Obirin, I.Dobrovein, M. Grinberg, O. Bochniakovich, entre autres.
Après la mort du professeur en 1948, Starkmann s’est préparé lui-même pour le diplôme du Conservatoire, qu’il a obtenu avec mention en 1949. Il a alors commencé sa carrière artistique en tant que soliste de la Philharmonie d’Etat de Moscou avant d’entreprendre une carrière internationale.
A la suite du 5ème Prix obtenu au Concours Chopin de Varsovie en 1955, le pianiste a gagné le grand prix du Concours G.Vianna da Motta à Lisbonne en 1957.
« Starkmann est un vrai poète du piano. Chez lui le cœur et l’intelligence, la technique et l’interprétation n’interfèrent pas les uns avec les autres mais s’unissent pour atteindre la perfection », ont écrit à l’époque les journaux de Lisbonne. Mais il n’a été véritablement reconnu qu’en 1958 après le 1er Concours International Tchaïkovski où il a obtenu le 3ème Prix. Emil Guilels a qualifié Starkmann de maître accompli, soulignant que «son jeu se caractérise par un niveau élevé de réflexion et de finition».
Pendant plus d’un demi-siècle d’activité artistique, Starkmann a acquis une grande notoriété tant en Russie qu’à l’étranger. Les récitals et les concerts qu’il a donnés avec des orchestres réputés (en Italie, en Espagne, en Pologne, en Allemagne, au Japon, en Suisse, en Suède, au Portugal, en Israël, en Egypte, en Finlande, en Argentine, en Colombie, aux Etats-Unis d’Amérique, au Canada et ailleurs), ainsi que sa participation à des jury internationaux et le grand nombre de disques et cd qu’il a enregistrés en font l’un des plus grands musiciens de notre temps.
Son répertoire comporte des oeuvres de Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, des impressionnistes français, des classiques russes et des compositeurs contemporains.
Le public a toujours apprécié les programmes « monographiques » consacrés à l’œuvre de grands romantiques tels que Liszt, Schumann, Schubert, Rachmaninov et Tchaïkovski. Mais c’est Chopin que le pianiste joue le plus souvent. La musique du génie musical polonais traverse comme un fil rouge toute l’activité artistique de Starkmann. « Je suis un romantique, comme toute notre génération » a-t-il avoué un jour. « J’ai étudié avec Igoumnov, connu pour son piano « chantant ». Il m’a ouvert à la musique romantique et m’a enseigné à jouer de manière libre et improvisée. C’est ce qui est devenu le plus important pour moi ».
Au cours de sa carrière, Naum Starkmann a collaboré avec de nombreux maîtres de la musique de chambre, parmi lesquels les chanteurs D. Pantofel-Nitcheskaia, G. Pyssarenko, V. Ivanova, N. Guerassimova, K. Lysovsky, A. Vedernikov, A. Eisen, ainsi que les Quatuors Borodine, Glinka, Taneiev, Prokofiev.
Ces dernières années, c’est le fils du maître, Alexander Starkmann, lui aussi pianiste connu ayant remporté d’importants concours internationaux, qui est devenu son partenaire.
L’artiste consacre de nombreux efforts à l’enseignement. Les jeunes mélomanes et leurs parents connaissent bien l’abonnement à la Philharmonie de Moscou intitulé « Naum Starkmann joue et raconte ». C’est ainsi que pendant la saison 2001-2002, les quatre programmes de ce cycle ont tous été consacrés à l’œuvre de Chopin, tandis que l’abonnement de la saison 2002-2003 à été présenté comme un voyage musical à travers l’Europe.
Depuis la fin des années 60, Starkmann concilie avec succès son activité d’interprète et son activité pédagogique, qui a commencé à l’Institut de Pédagogie musicale Gniessinykh et s’est poursuivie au Conservatoire de Moscou. Le professeur Starkmann est membre du Conseil artistique de la Fondation « Les Noms nouveaux » et il n’est pas rare que ses tournées dans les villes russes soient accompagnées de séminaires pour les étudiants des écoles de musique locales. Il donne également des master class au Japon, en Suisse, en Italie, en Yougoslavie et en Pologne.
S’agissant de la créativité de Naum Starkmann, la revue « La vie musicale » a écrit : «Qu’est-ce qui attire le public dans l’art de cet artiste accompli? Avant tout l’harmonie des tous les éléments, la profondeur de la conception et la sincérité des émotions ».
« Le jeu de Starkmann est la synthèse d’une expression intérieure intense et d’une mesure objectivement nécessaire. C’est là que réside la nature de la retenue artistique de Starkmann, qui préserve la musique de tous les hasards émotionnels et de la routine. Le jeu du pianiste est une sorte de déclamation poétique, d’une grande souplesse d’expression, mais sans excès, intelligible mais pas sciemment. Ici, l’idée des harmonies et des émotions très fortes est là non pas pour s’exprimer et soi-disant pour faire revivre le monde de Chopin, mais pour permettre à la beauté de ce monde d’atteindre les hauteurs intemporelles ».
V.Tchinaev
LE MONDE | 29.07.06 | 14h17 • Mis à jour le 29.07.06 | 14h17
Le pianiste et pédagogue russe Naum Starkmann est mort jeudi 20 juillet dans un hôpital de Moscou, des suites d'un cancer, à l'âge de 78 ans.
Admiré par ses pairs pour la transparence de son toucher, son art raffiné du son et une nature mêlant harmonieusement vivacité et lyrisme, Naum Starkmann n'était pas connu du grand public. Il avait cependant commencé à jouer en France ces dernières années, comme en témoigne son enregistrement d'oeuvres pour piano de Tchaïkovski, gravées en live aux Flâneries musicales de Reims en juillet 1974, paru chez Transart live, dont la réception avait été fort remarquée.
Sa carrière, il l'avait d'ailleurs débutée après avoir remporté le Troisième Prix au premier Concours Tchaïkovski de 1958, provoquant l'admiration d'Emil Guilels. Mais celui qu'on avait surnommé le "Raphaël du piano" jouait le répertoire, de Bach aux compositeurs contemporains, avec une nette prédilection pour Chopin. N'avait-il pas avoué un jour : "Je suis un romantique, comme toute notre génération" ?
Naum Starkmann était né à Jitomir le 28 septembre 1927. Elève à l'Ecole Lyssenko de Kiev, il avait donné son premier récital à 11 ans, avant de poursuivre ses études au Conservatoire de Moscou dans la classe de Konstantin Igoumnov. En 1955, il avait obtenu un 5e Prix au Concours Chopin de Varsovie ainsi que le Grand Prix du Concours international Vianna da Motta, à Lisbonne en 1957.
Ces dernières années, Naum Starkmann se produisait souvent avec son fils Alexander, pianiste comme lui. Ses talents de pédagogue, le professeur de piano au Conservatoire de Moscou les exerçait tant au niveau professionnel que sur le plan plus large des mélomanes amateurs : ses programmes à la Philharmonie de Moscou sous l'appellation "Naum Starkmann joue et raconte" ont remporté jusqu'en 2003 un très vif succès.
Il y a presque un an, Naum Starkmann avait annulé in extremis son récital du 13 septembre au Festival toulousain "Piano aux Jacobins" pour raison de santé. La terrible maladie qui le rongeait a eu raison de lui avant le récital programmé cette année le 14 septembre.
Marie-Aude Roux Article paru dans l'édition du 30.07.06
Qui ose aujourd’hui enregistrer tout un disque consacré à la musique pour piano de Tchaikovsky? Naum Starkmann, un pianiste de 78 ans, totalement inconnu en Europe, mais vénéré par les amateurs russes. « Son jeu se caractérise par un niveau élevé de réflexion et de finition » a dit Emil Gidels. Le jugement vaut encore aujourd’hui dans cet enregistrement « live » effectué aux Flâneries de Reims en juillet 2004. On pourrait même ajouter que sa sonorité a pris une patine dorée qui n’altère en rien les couleurs et qui dégage un entêtant parfum de poésie oriental. Cette musique très salonnarde, très sentimentale, mais suprêmement bien écrite, Naum Starkmann l’habille à ravir des étoffes les plus rares et des coupes les plus recherchées. On sent le sourire attendri, la mélancolie fugace, le vague à l’âme dans ces doigts qui chantent d’une manière libre et improvisée. Ici, Tchaikovsky est bien le frère de Chopin avant d’être le grand frère de Rachmaninov. Olivier Bellamy, Le Monde de la Musique Naum Starkmann plays Chopin Nocturne Op. 9, No. 1 in B-flat minor
Grand Hall of the Moscow Conservatory
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